Beaucoup de monde au Père-Lachaise pour rendre hommage à Henri Alleg
lundi 29 juillet 2013
Au moins 500 personnes présentes au père Lachaise, pour rendre un dernier hommage à Henri Alleg, l’auteur de La Question, un livre qui a révélé le phénomène de la torture en Algérie. Crédit photo / Nadir Dendoune
On dit souvent que la popularité d’un homme se mesure au nombre de personnes présentes à son enterrement. Ce matin, au Père-Lachaise, il y avait énormément de monde, au moins 500 personnes, pour rendre un dernier hommage à Henri Alleg, mort le 17 juillet dernier.

William Sportisse son compagnon de lutte, son ami de 60 ans : « Henri était quelqu’un de très cultivé, de très modeste et qui aimait partager ses connaissances avec les autres ». Crédit photo / Nadir Dendoune
Il a fallu attendre plus de dix jours pour qu’il soit inhumé. L’auteur de La Question, livre interdit en France pendant très longtemps, où il raconte sa période de détention et les sévices qu'il y subit en pleine guerre d’Algérie, était beaucoup apprécié parmi le peuple de gauche. Ce livre contribuera de manière considérable à révéler le phénomène de la torture en Algérie.
Un symbole pour les Algériens
« Bien que je n’ai jamais eu l’occasion de le croiser, - regrette Samia, une algérienne en France depuis vingt ans et qui a décidé de rester un peu à l’écart -, Alleg est un symbole pour nous Algériens. Il était du côté de la justice à une période où il n’y en avait pas. Il fait partie de ces gens qui m’aident à vivre en France, où quand j’allume la télé, je me sens agressée de toute part en tant que musulmane. Le fait qu’il soit juif et Français, il m’empêche aussi de basculer dans la haine ».
10h30 précises, il n’y a plus de place à l’intérieur du crématorium. Des gens sont dehors et essaient de suivre tant bien que mal la cérémonie. Les fils du défunt sont les premiers à prendre la parole. L’émotion est palpable. Puis c’est au tour de Pierre Laurent, premier secrétaire du PCF, parti dont Alleg était membre, de rendre hommage au vieil homme.
« Un compagnon de lutte, un ami de 60 ans »
Né à Londres de parents juifs russo-polonais, Henri Alleg s'embarque en Algérie en 1939 et milite au sein du Parti communiste algérien, interdit à l’époque par les autorités françaises. « Henri était quelqu’un de très cultivé, de très modeste et qui aimait partager ses connaissances avec les autres », commente la voix remplie de tristesse, William Sportisse, « un ami de 60 ans », un compagnon de lutte.
En 1951, William Sportisse est aux côtés d’Henri Alleg quand il devient directeur du quotidien Alger républicain. Le journal est interdit et les deux hommes entrent dans la clandestinité.
La cérémonie continue et après les discours, place à la musique : cœur de l’armée rouge, chants du front populaire, suivies par des chansons algériennes. « Même en France où il vivait, il avait gardé sa part d’Algérie qu’il aimait par dessus-tout », raconte encore Sportisse.
Torture, prison, évasion…
Henri Alleg fut arrêté en 1957 et sera torturé à plusieurs reprises par des officiers de l’armée française. Trois ans après son arrestation, il est condamné à 10 ans de prison. Transféré en France, il est incarcéré à la prison de Rennes. Profitant d'un séjour dans un hôpital, il s'évade et rejoint la Tchécoslovaquie.
« Il avait eu un AVC il y a un an et depuis c’était difficile », commente Bernard Lyon-Caen, qui avait lui aussi connu Alleg en Algérie à la date du « 3 ou le 4 février 1951, je ne me souviens plus exactement. Ce que je sais, c’est que c’était au lendemain de la naissance du journal Alger républicain. Il va manquer à beaucoup de gens. Les gens comme Henri Alleg, il n’y en pratiquement plus de nos jours : il avait une telle humanité en lui ».
Un militant acharné
Une fois la guerre terminée en 1962 et après un léger passage en France, Alleg rentre en Algérie pour participer à la renaissance du journal Alger républicain. Le coup d’état de juin 1965 par Houari Boumediene le pousse à revenir en France. Il continuera ses actions militantes.
La cérémonie s’achève par l’Internationale, d’abord en arabe, puis en français. Les camarades reprennent en chœur le célèbre champ révolutionnaire. Leurs poings levés : « Alleg est mort, mais nous continuerons la lutte », conclut Anne, qui aura 80 ans, dans quelques mois….
Nadir Dendoune
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