dimanche 13 octobre 2013

La femme de caractère contre le fort en gueule

Samia Ghali et Patrick Mennucci vont s'affronter dimanche prochain pour le poste de candidat PS à la mairie de Marseille. © AFP
Samia Ghali, 45 ans, issue des quartiers Nord de Marseille, contre Patrick Mennucci, 58 ans, l'enfant de la Cabucelle. La petite-fille d'immigrés algériens contre le petit-fils d'immigrés italiens. La femme de caractère contre le fort en gueule.


Samia Ghali, 45 ans, a grandi dans les quartiers Nord de Marseille, une vie de "misère", avant d'entrer en politique à l'âge de 16 ans et de gravir les échelons jusqu'à la mairie du 8e secteur et le Sénat. Avec son caractère bien trempé et son franc-parler, la benjamine des primaires a été propulsée au devant de la scène à l'été 2012, avec son appel à l'armée pour lutter contre le trafic de drogue dans les cités et depuis, a souvent fait la une pour ses positions critiques vis-à-vis du gouvernement. "Un parcours atypique et un discours de vérité" qui séduisent les Marseillais et la démarquent des autres élus, assure-t-on dans son entourage.

La petite Samia échappe à la mort

Née le 10 juin 1968 à Marseille, Samia Ghali échappe à l'âge de six mois à la mort pour cause de malnutrition. Elle est élevée par ses grands-parents, des immigrés algériens, dans la cité Bassens, au milieu d'une population maghrébine avec quelques gitans. Un père absent, une mère qui la délaisse:
On me nommait Letema. Soit, en arabe, l'orpheline"

raconte-t-elle dans son autobiographie "la Marseillaise", évoquant "une souffrance profonde". De cette vie de "misère", "paradoxalement heureuse", elle dit avoir hérité "la ténacité" car "pour survivre, il faut serrer les poings".
Arrivés en tête du premier tour de la primaire PS, Samia Ghali et Patrick Mennucci se sont congratulés. © ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
© ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP Arrivés en tête du premier tour de la primaire PS, Samia Ghali et Patrick Mennucci se sont congratulés.


Un géant à l'accent rocailleux

Patrick Mennucci, 58 ans, élu député en 2012 seulement, baigne dans la politique marseillaise depuis près de 40 ans. Mais ce géant à l'accent rocailleux est véritablement apparu sur la scène nationale en 2006, lorsqu'il devient un pilier de la candidature à la présidentielle de Ségolène Royal, y gagnant au passage le surnom de "Ségolin".
Ce petit-fils d'immigrés italiens, un "fort en gueule", dont la voix grave impressionne autant que son physique, 1,85m pour une bonne centaine de kilos, est natif de la Cabucelle, un quartier populaire de Marseille, dont est aussi originaire la famille Livi, celle d'Yves Montand.

"J'ai obtenu mes diplômes dans la rue"

Adolescente dans une autre cité difficile, Campagne Lévêque, Samia Ghali assiste, impuissante, aux ravages de la drogue qui décime ses amis."Moi les diplômes, c'est dans la rue que je les ai obtenus", se targue Samia Ghali qui a arrêté ses études après un CAP de secrétariat-comptabilité. A 16 ans, elle se rend à sa première réunion politique, avec à la tribune un certain Patrick Mennucci. Prise par le "virus", elle entame son ascension: conseillère d'arrondissement
du 8e secteur (15-16e arrondissements), celui de son enfance, en 1995, puis conseillère municipale à la mairie centrale en 2001, vice-présidente de la région en 2004, aux sports, à la jeunesse et à la vie associative, à la tête d'un budget de 28 millions d'euros.
Samia Ghali en campagne sur le Vieux-Port le 22 septembre dernier. © BERTRAND LANGLOIS / AFP
© BERTRAND LANGLOIS / AFP Samia Ghali en campagne sur le Vieux-Port le 22 septembre dernier.


Inscrit au PS depuis 1969

De ce "quartier des Italiens" qui vote communiste à 85%, il n'a pas conservé la langue, "la langue de la misère, disait mon père", mais le penchant à gauche. Son inscription au parti socialiste, en 1969 ?
Un hasard. C'est mon père qui m'a ramené ma première carte"

raconte-t-il. Diplômé de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence, de Sup' de co Marseille et de l'Institut d'administration des entreprises (IAE), et titulaire d'un DEUG en droit, il obtient son premier mandat en 1983, dans la majorité de Gaston Defferre à Marseille.

Il dit faire très bien la cuisine

Mais il aime à rappeler qu'il n'a pas toujours été un "professionnel de la politique". De 1987 à 2000, alors que les mandats se font plus rares, il est agent Renault et dirige un garage dans le centre-ville, "une expérience de chef d'entreprise,
d'artisan"
, mais un patron "extrêmement social", souligne celui qui se classe plutôt à gauche au PS. Il a également été patron de restaurant et assure "faire très bien la cuisine".

Mère de trois garçons

En 2008, c'est la consécration pour Samia Ghali : colistière de l'ancien homme fort du PS local, Jean-Noël Guérini, elle ravit la mairie de son secteur (près de 100.000 habitants), dès le premier tour, et accède au Sénat. Femme de terrain avant tout - "ma seule idéologie, c'est l'action", dit-elle - cette mère de trois garçons, très proche de sa famille, cultive les paradoxes. Enfant des quartiers Nord, la brune Samia Ghali, qui porte souvent talons hauts et vestes aux couleurs vives, jouant de son image de jolie femme, habite désormais un quartier huppé du sud de la ville.
habite désormais un quartier huppé du sud de la ville.

Patrick Mennucci après son meeting au Parc Chanot à Marseille en avril dernier. © ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
© ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP Patrick Mennucci après son meeting au Parc Chanot à Marseille en avril dernier.


Son surnom : "Ségolin"

Un temps vice-président de la Région PACA, il finit par entrer au palais Bourbon en 2012 en remportant la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, après avoir conquis en 2008 la mairie du Ier secteur (centre-ville) à une figure
de la droite, Jean Roatta. Mais ce fin connaisseur de l'appareil du PS se fait surtout connaître sur la scène nationale pendant la campagne de Ségolène Royal, avec qui il fera le tour des fédérations. De cette aventure, il ne conserve "que des bon souvenirs", une "grande admiration" pour la présidente de la région Poitou-Charentes, et un surnom : "Ségolin", dont la paternité est tantôt attribué à Jean-Claude Gaudin, tantôt à ses collègues de la rue de Solférino... Membre du bureau national du PS, il a été secrétaire national aux fédérations jusqu'en novembre 2012.


Ne pas "cracher" sur les anciens

Samia Ghali fustige le clientélisme, mais se garde de demander l'exclusion du PS de M. Guérini, mis en examen dans plusieurs affaires, assurant qu'elle n'est "ni juge, ni procureur". Et ses détracteurs la disent soutenue par le président du Conseil général. "Trait d'union entre le nord et le sud", Samia "la courageuse", son slogan de campagne, "a su s'émanciper des vieilles pratiques marseillaises, sans cracher sur les anciens", arguent ses proches. Il se murmure que le sénateur-maire sortant Jean-Claude Gaudin (UMP) en a fait sa favorite, persuadé que les Marseillais ne sont pas prêts à élire une femme d'origine maghrébine.

Pourfendeur du système de co-gestion avec FO

Pendant la campagne des primaires, Patrick Mennucci s'est avant tout érigé en pourfendeur du "système de cogestion" avec FO, fustigeant l'emprise du syndicat des territoriaux à la mairie de Marseille et dans les autres collectivités territoriales. Il est aussi l'un des deux candidats avec Marie-Arlette Carlotti à s'être le plus nettement démarqué du président du Conseil général Jean-Noël Guérini, dont il a demandé la démission après ses multiples mises en examen. Il a pourtant été son directeur de campagne pour les élections municipales (perdues) en 2008 à Marseille.

3 Provence-Alpes


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